Quand il s’agit aujourd’hui de donner une nouvelle représentation de cet archétype de l’opéra, directeurs de théâtre, chefs d’orchestre, metteurs en scène s’interrogent sur quelle version choisir : celle de Prague ou celle de Vienne ?
Prague, c’est le lieu de la création de Don Giovanni, le 29 octobre 1787. Un an plus tard, Mozart donne en création à Vienne une version quelque peu différente de cet opéra : les différences ne sont pas nombreuses mais sont suffisamment importantes pour que la trame de l’opéra s’en voit modifiée.
Au XXIe siècle, à deux reprises, l’Atelier d’Axiane a entrepris de donner à voir et à entendre le chef-d’oeuvre de Mozart : le choix de la version s’est alors de nouveau posé. En 2005 il se porta sur la version de Vienne (la plus jouée), et lorsqu’en 2007 Marie-Mad et Robert Christe décidèrent de repartir dans une nouvelle aventure scénique, il fut évident que la reprise de Don Giovanni serait la présentation de la version de Prague. Assister aux représentations des deux versions, surtout dans un même espace, celui de l’ancienne église des Jésuites de Porrentruy, fut une occasion rare de pouvoir les comparer.
La comparaison ne s’arrêta d’ailleurs pas là puisque si la version de Vienne fut jouée sur des instruments modernes, l’Atelier d’Axiane opta ensuite pour une version de Prague sur instruments anciens.
En quoi les versions de Prague et de Vienne diffèrent-elles ?
En résumé, des ajouts ou des suppressions d’airs et d’ensembles.
Mozart ajouta pour Vienne un grand air pour le personnage de Donna Elvira, In quali eccessi..., lui conférant une importance égale à celui de Donna Anna. Don Ottavio se vit lui-aussi pourvu d’un nouvel air, Dalla sua pace..., mais en revanche il ne chanta pas Il mio tesoro... chanté à Prague. Ces deux airs ajoutés, airs dits d’introspection amoureuse, furent composés pour les nouveaux interprètes de Vienne. Plus surprenant, à la place d’Il mio tesoro, Mozart, cédant sans doute aux instances des chanteurs, ajouta un duo bouffe entre Leporello et Zerlina (d’une qualité moindre et quelque peu incongru, d’ailleurs ce duo ne fut pour ainsi dire jamais repris).
Et surtout, cette différence symbolique : l’opéra se terminait désormais sur une note très sombre, la mort de Don Giovanni. Mozart supprima en effet à Vienne l’épilogue où, après la disparition du héros, les personnages reviennent pour révéler la morale de l’histoire et repartir vers de nouvelles aventures.
L’Atelier d’Axiane aborda la présentation des deux Don Giovanni à rebours de la chronologie : d’abord la version de Vienne (en 2005) puis celle de Prague (en 2007).Les parti-pris des objectifs ne furent pas identiques.
En 2005, il s’agissait de montrer le travail d’un atelier, délibérément expérimental et dans la lignée d’Axiane :
de jeunes chanteurs lyriques, certains abordant pour la première fois leur rôle ; un orchestre de jeunes instrumentistes constitué ad hoc, dont pour beaucoup c’était la première grande expérience dans l’univers de l’opéra ; tous, chanteurs et instrumentistes, d’un très haut niveau musical (en dernier cycle du Conservatoire ou en début de carrière) ; et un lieu tout à fait hors normes pour une représentation de Don Giovanni, une église !
L’expérience ne s’arrêta pas là : l’esprit de recherche -qui est celui de tout atelier d’Axiane- se pencha sur la place à donner à l’ouverture et à l’épilogue de l’opéra. Ainsi l’ouverture -dramatique- de Mozart ne fut pas donnée en ouverture mais après la scène de la mort du commandeur ; l’opéra s’ouvrait donc sur la scène bouffe de Leporello ! Et afin de respecter la lettre de la version de Vienne mais l’esprit de l’opéra, l’épilogue ne fut pas joué après la mort de Don Giovanni mais après les saluts des interprètes.
En 2007, ayant bénéficié de l’expérience de 2005, par volonté de contraster et de présenter un autre visage de Don Giovanni, la version choisie, celle de Prague, permit de faire un travail plus musicologique avec le choix d’un orchestre baroque, jouant donc sur des instruments anciens avec un diapason plus bas, et par suite une couleur plus sombre, plus feutrée. Cette fois c’est un orchestre de chambre baroque, très renommé, qui faisait sa première expérience d’un opéra mozartien.
Pour les deux versions, l’enjeu scénique, expérimental dans sa volonté de fondre le son de l’orchestre dans les voix des chanteurs, plaça (pour leur plus grand plaisir) les instrumentistes sur scène, derrière les chanteurs, tous les interprètes participaient dès lors à l’action scénique!
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